Henri Goetschy, ancien sénateur et ancien président du Conseil général du Haut-Rhin est décédé dans la nuit du 16 au 17 avril, à 94 ans. Il est unanimement salué comme grand défenseur de l'Alsace et de l'alsacien, ce qu'il fut sans aucun doute.

19 avril 2021

J’ai eu l’occasion de le rencontrer plusieurs fois et j’en garde un souvenir à la fois tendre et amusé. Il était passionné, truculent, parfois excessif, àwer Harzig ! Diss bàsst àm beschte zue n’m, c’est le mot qui lui convient le mieux : HARZIG ! Il avait du cœur et ce cœur aimait tellement l’Alsace, qu’il lui arrivait parfois de l’aimer un peu trop et d’en faire un peu trop. Mais comme par ailleurs, il y en a tellement qui n’en font pas assez, il pouvait compenser ! Il avait du cœur et s’autorisait aussi quelques exubérances qu’on lui pardonnait comme on pouvait. Il est entré en politique pour faire et non pour défaire. Il voulait traduire dans la réalité, les idées qui motivaient ses engagements. Il s’est d’emblée investi en faveur de la culture alsacienne, et plus particulièrement le patrimoine, dans ses diverses déclinaisons : la langue, les cigognes, les maisons alsaciennes et les brigades vertes. Son premier combat était pour la langue, qu’il aurait voulu imposer au forceps, et son deuxième pour le patrimoine bâti avec un coup de cœur particulier pour le Hohlandsberg, qui lui doit beaucoup et lui valut d’injustes ennuis. Mais, il faut dire aussi qu’il était un homme politique très atypique qui avait l’art de s’attirer des ennemis. Son franc-parler y était pour beaucoup. Mais il n’en avait cure. Un no, er isch Viehdokter gsin, vun Beruef, il faut dire qu’il était vétérinaire, un uf em Lànd, à la campagne… Àlso isch er de Umgàng mit Ockse gewehnt gsin ! C’est dire qu’il avait ses habitudes dans la fréquentation des bœufs…

Et puis, il aimait le foot ! A sa façon, comme toujours. Avec une connaissance des joueurs de toutes les grandes équipes européennes. Un jour, il me fit visiter “son » Hohlandsberg, encore en travaux. Pendant que nous faisions le tour par le haut, sur le mur d’enceinte, nous vîmes arriver dans la cour encombrée, deux touristes qui n’avaient rien à faire sur le chantier, interdit au public, mais qui, voyant nos voitures devant l’entrée, et une brèche dans les barrières entrouvertes, en ont profité pour pénétrer dans ce qui n’était déjà plus une ruine, mais pas encore un château. Du haut de la courtine, il a commencé par les engueuler vertement en passant allègrement du français à l’alsacien ! Bref, il faisait son Schwendi ! Avec de grands gestes d’excuses, penauds, les malheureux nous ont interpelés en hongrois. Dès lors, il se ravisa d’un coup, pour répondre lui aussi quelques mots en langue magyar et évoquer Ferenc Puskàs, le grand joueur de l’équipe hongroise, favorite de la finale de la Coupe du Monde de 1954 à Berne qui dut s’incliner in extrémis devant l’équipe allemande dans un match de légende ! La discussion pris d’un coup un air beaucoup plus sympathique et, à nouveau seuls, il me dit : tu vois avec le foot tu t’en sors toujours ! Et je rajoutai : à condition de parler hongrois !

Au nom du Conseil Culturel d’Alsace, je présente nos plus sincères condoléances à toute la famille et à son fils Bernard Goetschy, président de la commission transfrontalière et membre du bureau du CCA.

Le Président
Christian Hahn